{"id":5033,"date":"2017-02-24T18:44:50","date_gmt":"2017-02-24T17:44:50","guid":{"rendered":"https:\/\/www.orgue-en-france.org\/?page_id=5033"},"modified":"2017-02-27T10:31:32","modified_gmt":"2017-02-27T09:31:32","slug":"registrations-de-dom-bedos-point-de-vue-dun-facteur-dorgues","status":"publish","type":"page","link":"https:\/\/www.orgue-en-france.org\/linstrument\/articles-linstrument-orgue\/registrations-de-dom-bedos-point-de-vue-dun-facteur-dorgues\/","title":{"rendered":"Les registrations de DOM-BEDOS"},"content":{"rendered":"

Point de vue d\u2019un facteur d\u2019orgues<\/h2>\n

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Conf\u00e9rence donn\u00e9e le 24 Janvier 2009 au Conservatoire de BORDEAUX par Pascal Quoirin, Facteur d\u2019orgues<\/strong><\/p>\n

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\"Orgue<\/a>
Orgue Dom-Bedos Sainte Croix – Bordeaux Cliquer pour agrandir<\/figcaption><\/figure>\n

L\u2019objectif que je me suis donn\u00e9 pour cette conf\u00e9rence est de vous inciter \u00e0 d\u00e9velopper des r\u00e9flexes simples qui vous permettront d\u2019exploiter de la mani\u00e8re la plus appropri\u00e9e toute la palette sonore d\u2019un orgue, et plus pr\u00e9cis\u00e9ment, celle d\u2019un Grand-Orgue tel que celui de l\u2019\u00e9glise Sainte Croix, instrument construit par Dom-Bedos de Celles en 1748.
\nPour cela, je ferai r\u00e9f\u00e9rence \u00e0 l\u2019ouvrage m\u00eame de DOM-BEDOS, et pr\u00e9cis\u00e9ment au chapitre concernant les registrations.<\/p>\n

Registrer est chose difficile si l\u2019on n\u2019a pas conscience de la mani\u00e8re dont s\u2019organisent les sons de l\u2019orgue, comment sont constitu\u00e9es les familles de jeux, et de quoi sont compos\u00e9s les grands ensembles qui les rassemblent. Le questionnement touche \u00e9galement les r\u00e9actions des tuyaux entre eux, la qualit\u00e9 et la capacit\u00e9 de vent dont on dispose, et \u00e9galement la mani\u00e8re de parler de telle ou telle sorte de tuyaux.<\/p>\n

Pour commencer, il nous faut remonter un peu dans l\u2019histoire de l\u2019orgue pour mettre en \u00e9vidence les points forts qui serviront \u00e0 construire mon propos.<\/p>\n

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Le Blockwerk<\/strong><\/p>\n

Tr\u00e8s vite, les premi\u00e8res grandes orgues se d\u00e9veloppent et prennent de grandes proportions. Ces proportions s\u2019adaptent naturellement aux dimensions de l\u2019\u00e9difice, dans le souci \u00e9vident d\u2019activer l\u2019acoustique des vastes nefs, de remplir la nef par du son.
\nLe rapport du son de l\u2019orgue et de l\u2019architecture deviendra d\u2019ailleurs par la suite, un des aspects importants dans l\u2019art de construire les orgues.
\nOn se souvient en effet qu\u2019un son, dans la nature, est form\u00e9 d\u2019une fondamentale et d\u2019harmoniques, ordonnanc\u00e9s dans un ordre immuable mis en valeur en particulier par Pythagore : l\u2019octave, la quinte de cette octave, la superoctave, la tierce de cette superoctave, etc\u2026
\nDe tous les instruments de musique, le tuyau d\u2019orgue est celui qui est le plus pauvre en harmoniques. Les facteurs d\u2019orgues vont contourner habilement ce d\u00e9faut. Tr\u00e8s t\u00f4t, le principe de l\u2019architecture sonore qu\u2019ils \u00e9laborent consiste \u00e0 ajouter artificiellement ces harmoniques sur un son fondamental, utilisant principalement quintes, octaves, tierces.
\nDans le grave du clavier, on enrichit le son fondamental d\u2019une certaine quantit\u00e9 d\u2019harmoniques.
\nEn revanche, plus l\u2019on progressera vers l\u2019aigu du clavier, plus on compl\u00e9tera cette quantit\u00e9 initiale. On remarque bien aussi le souci de cr\u00e9er une entit\u00e9 sonore tr\u00e8s ascendante. Les tuyaux, en progressant du grave vers l\u2019aigu, la place disponible sur le sommier est \u00e9videmment de plus en plus lib\u00e9r\u00e9e.
\nEt ainsi, naturellement, l\u2019\u00e9chelle harmonique est compl\u00e9t\u00e9e jusqu\u2019\u00e0 la derni\u00e8re note du clavier par autant de tuyaux que le sommier et le buffet peuvent en contenir. On conna\u00eet (seulement d\u2019apr\u00e8s de rares documents) des orgues dont la progression \u00e9tait environ de 6 \u00e0 8 rangs de tuyaux dans le grave et une quarantaine, voire plus, dans l\u2019aigu.
\nOn appelle aujourd\u2019hui ces orgues, qui ont tous disparus, des Blockwerk<\/em>, du mot allemand werk<\/em> qui signifie ouvrage, construction.
\nPour chaque note jou\u00e9e, tous les rangs de tuyaux parlaient ensemble, il n\u2019y avait pas de registre. La partition en registres s\u00e9par\u00e9s ne viendra que plus tard.<\/p>\n

J\u2019ai fait ce d\u00e9tour, volontairement simplifi\u00e9, sur l\u2019orgue de l\u2019Antiquit\u00e9 et celui du Moye- Age pour que vous n\u2019oubliiez jamais ces aspects fondamentaux. Ces notions doivent \u00eatre pr\u00e9sentes \u00e0 votre esprit en permanence.<\/p>\n

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Les premi\u00e8res divisions en registres<\/strong><\/p>\n

D\u00e8s le d\u00e9but du 15\u00e8me si\u00e8cle, le \u00ab Blockwerk \u00bb se divise en registres. A l\u2019imitation des premi\u00e8res formations instrumentales, mais surtout pour d\u00e9velopper les capacit\u00e9s expressives et polyphoniques de l\u2019instrument. Avec les nombreux tuyaux du Blockwerk, on compose des s\u00e9ries autonomes dispos\u00e9es en registres. Apr\u00e8s avoir organis\u00e9 et isol\u00e9 des rangs s\u00e9par\u00e9s comme le 8 pieds, le 4 pieds, le 2 2\/3 pieds, le 2 pieds etc., il restera encore un grand nombre de petits tuyaux avec lesquels il sera de plus en plus difficile d\u2019\u00e9tablir des progressions homog\u00e8nes. On les regroupera alors, de mani\u00e8re tout \u00e0 fait ing\u00e9nieuse, en un registre sp\u00e9cial que l\u2019on appellera \u00ab Fourniture \u00bb et les plus petits encore, en un autre registre que l\u2019on appellera \u00ab Cymbale \u00bb.
\nL\u2019ensemble des registres compos\u00e9s avec l\u2019ancienne tuyauterie du \u00ab Blockwerk \u00bb forme une premi\u00e8re famille, une premi\u00e8re registration, que l\u2019on appellera \u00ab Grand-Plein-Jeu \u00bb.<\/p>\n

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Le 18 i\u00e8me si\u00e8cle, apog\u00e9e des registrations<\/strong><\/p>\n

Au 18\u00e8me si\u00e8cle, \u00e0 l\u2019\u00e9poque de DOM-BEDOS, le concept originel de l\u2019orgue demeure inchang\u00e9, la notion du \u00ab tout \u00bb (les ensembles issus du Blockwerk comme le \u00ab Plenum \u00bb) pr\u00e9domine. Les registres en revanche se sont multipli\u00e9s, de nouvelles formes de tuyaux sont apparues cr\u00e9ant ainsi de nouvelles sonorit\u00e9s donc de nouveaux registres. Des familles de sonorit\u00e9s se sont form\u00e9es et une ordonnance presque ritualis\u00e9e se constituera de mani\u00e8re immuable jusqu\u2019au 19\u00e8me si\u00e8cle. Ces familles de sonorit\u00e9 trouveront leurs \u00e9quivalences dans tous les pays et dans tous les styles d\u2019orgues.<\/p>\n

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Le temp\u00e9rament<\/strong><\/p>\n

Dans l\u2019art de registrer vous devrez absolument tenir compte du temp\u00e9rament<\/em> de l\u2019orgue.
\nPour bien comprendre ce mot il faut partir de la n\u00e9cessit\u00e9 physique naturelle de r\u00e9duire la puret\u00e9 d\u2019un ou de plusieurs intervalles lorsque l\u2019on r\u00e9partit les 12 demi-tons d\u2019une octave, puisque la puret\u00e9 incontournable de cette octave est incompatible avec la puret\u00e9 de tous les intervalles qui servent \u00e0 l\u2019\u00e9tablir, qu\u2019il s\u2019agisse d\u2019intervalles de quinte (pythagoricien) ou de tierce (m\u00e9sotonique).
\nCette r\u00e9duction n\u00e9cessaire, li\u00e9e aux lois physiques naturelles, est appel\u00e9e temp\u00e9rament en musique.
\nTemp\u00e9rer est donc une n\u00e9cessit\u00e9 naturelle.
\nL\u2019Histoire intervient dans la fa\u00e7on dont on a r\u00e9parti \u00e0 travers le temps ces r\u00e9ductions entre les 12 intervalles.
\nElle l\u2019a fait in\u00e9galement jusque vers 1850, date \u00e0 partir de laquelle elle r\u00e9partit \u00e9galement ces r\u00e9ductions.
\nOn parlera alors de temp\u00e9raments in\u00e9gaux et d\u2019un seul temp\u00e9rament \u00e9gal.
\nLe temp\u00e9rament choisi rendra certains m\u00e9langes agr\u00e9ables \u00e0 votre oreille et d\u2019autres moins ou beaucoup moins encore.<\/p>\n